« Vous devenez aveugle. Il n’y a rien que nous puissions faire. »
Lorsque le médecin spécialiste des pathologies rétiniennes m’a dit ces mots en février 2011, mon univers s’est effondré. Je me souviens avoir demandé à mon partenaire : « Veux-tu toujours m’épouser? Quel genre de vie aurions-nous? »
J’avais l’impression que la rétinite pigmentaire et le syndrome d’Usher ne me privaient pas seulement de ma vision, ils me prenaient tout. J’avais tellement peur et je voulais que ma vie se termine. J’avais l’impression qu’elle était déjà terminée. Il m’a fallu beaucoup de temps pour comprendre que je vivais une situation de deuil. Je faisais le deuil de mon indépendance et de l’avenir que je m’étais imaginé. Pendant deux ans, j’ai lutté contre une terrible dépression. Ces années ont été incroyablement sombres pour moi. Il est difficile d’y repenser aujourd’hui.
Bien que mon mari, qui a voulu m’épouser après tout, ait essayé tant de fois de m’aider, je n’étais pas prête à être aidée, jusqu’au jour où il est rentré du travail et m’a trouvée assise seule dans une pièce en train de pleurer. Je ne sais pas ce qui a changé ce jour-là, mais les mots de mon mari m’ont interpellée : « La vie continue. Le monde continue de tourner. Tu es en train de passer à côté de tout ce que la vie peut offrir. »
C’est alors que j’ai réalisé que nous pouvions toujours avoir la vie que nous voulions. La vie que nous méritions. Des voyages, une vie sociale, et même une famille. Ma perte de vision et mon handicap croissant avaient rendu beaucoup de choses plus difficiles, mais pas forcément impossibles, tant que je ne me laissais pas abattre. J’ai ramassé la canne blanche que j’avais longtemps été trop gênée d’utiliser, puis j’ai commencé à apprendre à vivre en tant que personne légalement aveugle et à accepter ma maladie. Peu après, nous avons accueilli notre fils Bronx.
« Mais pour vivre cette vie meilleure, je devais l’accepter. »
J’avais été très réticente à utiliser la canne blanche en public. Je détestais l’idée que les gens la remarquent, qu’ils me regardent bizarrement et qu’ils murmurent à mon sujet. Mais pour vivre cette vie meilleure, je devais l’accepter. Les gens l’ont remarqué, mais d’une manière que je n’aurais jamais imaginée. Les gens ont commencé à remarquer mes publications sur les réseaux sociaux, là où je vis ma vie sans complexe avec ma canne et je fais ce que j’aime, et ils ont commencé à se sentir responsabilisés. Des gens du monde entier m’ont contactée en me disant par exemple : « Vous m’avez aidé à saisir ma canne et à recommencer à vivre ». Cela me réjouit au plus haut point.
Bien sûr, il y a encore des moments difficiles et frustrants, surtout en hiver. Les gens sous-estiment à quel point la neige et la glace, ici au Canada, peuvent limiter l’indépendance et la liberté d’une personne tributaire d’une canne. Mais je vis ma vie. Je crée du contenu sur les sujets qui me tiennent à cœur : la maternité, la nourriture, la mode, les voyages. Je ne cache plus mon handicap. Parfois, je milite directement pour les personnes atteintes de cécité, de malvoyance, d’autres handicaps ou de maladies rares. Parfois, je partage simplement ma joie, mais c’est aussi une forme de militantisme. Je pense qu’il est important de voir qu’une personne légalement aveugle peut vivre une grande aventure. Cela rappelle aux gens que nous sommes plus que notre handicap, que nous méritons tout ce que la vie peut offrir.
C’est un message que j’envoie au monde, mais aussi à la version de moi-même qui pensait il y a dix ans que sa vie était finie. Je veux qu’elle sache que le meilleur est encore à venir. »