Depuis une dizaine d’années, on constate une innovation sans précédent dans le traitement de cette maladie neuromusculaire génétique rare, et l’accès à certains de ces nouveaux traitements a été non seulement approuvé, mais généralisé. Or, comme c’est souvent le cas pour l’accès aux médicaments contre les maladies rares, il y a un sous-groupe de patients, en l’occurrence les patients adultes dans toutes les provinces sauf le Québec, qui ont été laissés de côté et qui attendent anxieusement de voir évoluer leur maladie.
Nous nous sommes entretenus avec trois adultes souffrant d’AMS — qui ont tous leurs propres espoirs pour l’avenir — afin de souligner l’importance d’un accès juste et équitable aux traitements novateurs contre les maladies rares.
Bryan Weatherall
« J’ai passé presque toute ma vie à la ferme. À une certaine époque, j’ai passé un an dans une ville de 20 000 personnes, et c’était insupportable. Les gens disent souvent « on peut sortir le garçon de la ferme, mais on ne sort pas la ferme du garçon ». Eh bien, j’en suis la preuve.
J’aime le rien qui nous entoure ici. Pas de circulation, pas d’agitation, juste des oiseaux qui chantent. J’aime ma communauté rurale et tout ce qui vient avec. La pêche, les promenades en tout-terrain. La seule chose que je n’aime pas, c’est qu’il est parfois difficile de se rendre d’un endroit à l’autre, surtout quand on a un handicap.
Cela dit, je pense bien avoir l’un des cas les plus bénins d’AMS dont j’ai jamais entendu parler. J’ai rencontré des centaines de personnes qui en souffrent aussi, et je suis l’un des seuls à avoir atteint l’âge de 30 ans sans avoir arrêté de marcher, de faire de la randonnée et de faire des travaux physiques intenses à la ferme. Selon moi, c’est en partie parce que j’ai grandi avec trois frères. Même si j’ai reçu mon diagnostic quand j’avais deux ans, ils ne m’ont jamais ménagé.
Tout a changé pour moi il y a environ deux ans, quand je suis tombé et je me suis cassé le fémur. Depuis, je suis en fauteuil roulant. Je ne peux plus monter dans mon camion. Je ne peux plus monter sur mon 4x4. Je ne peux plus me rendre aux bons coins de pêche. Nous avons dû réaménager notre ferme de A à Z pour que je puisse continuer à faire le plus de travail possible. Je m’occupe des cultures, des ruches, du sirop d’érable et je nourris les animaux, tout ça dans mon fauteuil roulant.
Je peux me déplacer le long de la route de campagne jusqu’au village où je vends des produits — fraises, maïs, pois, courges, ail, concombres, asperges —, mais seulement quand il fait beau. Les jours d’hiver et de pluie, je suis coincé à l’intérieur. Je suis un ours. J’hiberne. Je n’ai pas le choix.
Je sais que j’ai de la chance d’avoir gardé autant de force et de capacités pendant si longtemps, mais ça rend aussi chaque perte encore plus difficile à accepter. Et je suis chanceux d’avoir des amis et une famille qui m’aident beaucoup même si les choses deviennent de plus en plus difficiles. Je suis reconnaissant à mon père, qui m’aide à me mettre au lit et à en sortir. Je suis reconnaissant à ma copine, qui m’a aidée à entrer en contact avec Cure SMA Canada. Mais j’aimerais tout de même obtenir l’aide dont j’ai le plus gravement besoin : l’accès aux traitements. Il existe des traitements contre l’AMS, mais personne ne veut m’y donner accès. Je ne sais vraiment pas ce qu’ils attendent. Pourquoi pas moi? S’ils veulent que des gens comme moi continuent à contribuer à la société, ils feraient mieux de ne pas attendre trop longtemps. Je suis agriculteur. Je nourris les gens. Et pour continuer à le faire, je dois conserver autant de force que possible. »
L’amyotrophie spinale (AMA) est une maladie du motoneurone. Les motoneurones sont les cellules nerveuses qui transmettent les commandes du cerveau aux muscles volontaires mis en jeu lors d’activités comme la marche à quatre pattes, la marche, le contrôle de la tête et du cou et la déglutition (fait d’avaler). De plus, l’atteinte des muscles respiratoires (sollicités lors de la respiration et de la toux) peut être associée à une plus grande prédisposition aux troubles respiratoires, comme la pneumonie.
LE SAVIEZ-VOUS?
Brooklyn Marx
« Récemment, je me suis mis en tête de faire des muffins aux bananes. J’étais là dans mon fauteuil roulant, avec un seul bras qui fonctionne bien, et mon partenaire Trevor m’a demandé si j’avais déjà fait des muffins toute seule. J’ai répondu « non » en souriant de toutes mes dents. « Ça va être un désastre. »
Mais il m’a tout de même aidée à m’installer dans la cuisine. Il a préparé les ingrédients, puis il est parti faire des courses pendant quelques heures. Quand il est revenu, la cuisine était sens dessus dessous, j’étais épuisée, mais il y avait des muffins à la banane. La fierté que j’ai tirée de ces muffins m’a duré toute la semaine.
Être capable de faire les choses de manière autonome, ça a toujours été très important pour moi. Cuisiner, sortir, prendre un café avec des amis, dessiner, travailler avec des clients, avoir de la créativité et une bonne productivité... L’idée de ne plus avoir la capacité physique de faire tout ça toute seule est très effrayante. Et avec l’AMS, il n’y a aucun moyen de savoir quand ça va se produire.
Trevor et moi, on essaye de planifier notre avenir. On aimerait acheter une maison ensemble, on envisage d’avoir des enfants. Mais dès qu’on se demande ce que ce serait d’élever des enfants dans le contexte de ma maladie, on n’a aucune réponse concrète. Dans 10 ans, mes fonctions pourraient être à peu près les mêmes qu’aujourd’hui, ou elles pourraient avoir diminué considérablement.
Ce qui est exaspérant, c’est de savoir qu’il existe de nombreux traitements approuvés par Santé Canada contre l’AMS, mais que ce n’est pas tout le monde qui y a accès. Quand j’avais 27 ans, des médicaments contre l’AMS ont été approuvés pour usage général dans ma province, mais seulement pour les 25 ans et moins. C’est un sentiment horrible que d’avoir de si grandes ambitions et de me faire dire à plusieurs reprises que j’ai raté la fenêtre d’accès aux traitements qui pourraient m’aider réaliser mes rêves, et juste à cause de mon âge.
Dans les communautés des maladies rares, on lutte sans cesse pour l’accès aux traitements. Je mets toute l’énergie dont je suis capable dans cette lutte, mais je dois aussi en garder pour ma carrière, pour mes relations, pour faire mes courses, pour finir ce que j’ai à faire. Il faudra que je passe à travers ma journée demain, que j’aie accès à des traitements ou non.
Dans mon rôle de psychothérapeute, je travaille avec beaucoup de personnes handicapées. Ce genre d’injustice est malheureusement très courant. Certaines personnes se jettent corps et âme dans la lutte pour l’accès aux traitements, et c’est magnifique. Mais des fois je me demande... Est-ce qu’il t’en reste assez pour préparer des muffins aux bananes? »
Au Canada, chaque province couvre les traitements selon des critères particuliers pour l’usage pédiatrique, tandis que l’accès des adultes de plus de 25 ans est déterminé au cas par cas, sauf au Québec, où tous les patients atteints d’AMS sont admissibles en fonction de certains critères.
LE SAVIEZ-VOUS?
Jeremy Bray
« J’ai reçu mon diagnostic d’AMS à 15 mois, et à 3 ans, j’étais déjà en fauteuil roulant. C’est comme ça depuis aussi loin que je me souviens.
J’ai toujours eu de très bons résultats à l’école, mais au secondaire, j’ai commencé à me demander si ça valait vraiment la peine. Avec l’évolution de ma maladie, j’avais tranquillement perdu la capacité de faire les choses qui m’apportaient de la joie et de l’autonomie. Je ne pouvais pas jouer aux jeux vidéo. Je ne pouvais pas me nourrir. J’ai commencé à souffrir de dépression. Pourquoi essayer d’avoir de bons résultats scolaires si je n’allais pas être capable de travailler — de contribuer — avec ce que j’avais appris?
Ce qui m’a sauvé, ce qui m’a aidé à retrouver une bonne santé mentale, c’est de me fixer des objectifs réalisables à court terme, trois à cinq ans à la fois. Obtenir mon diplôme du secondaire avec une moyenne de plus de 90, puis déterminer la prochaine étape réalisable. Obtenir un diplôme universitaire en informatique, puis déterminer la prochaine étape réalisable. Décrocher un emploi où j’excelle malgré mon handicap, puis déterminer la prochaine étape réalisable.
Et les prochaines étapes réalisables m’épataient toujours, même si mes capacités déclinaient. Aujourd’hui, à 29 ans, ma mobilité physique se limite presque entièrement à mon pouce gauche. Mais avec ce pouce, je peux faire fonctionner mon fauteuil roulant, mon téléphone, mon ordinateur. Je travaille dans le codage et l’analyse de données pour une division scolaire, et je suis vraiment doué pour ça. J’arrive à contribuer après tout.
Mais je sais que tout ça pourrait s’envoler très rapidement. La première chose que je fais en me réveillant, c’est de bouger mon pouce pour vérifier qu’il fonctionne toujours. Si je perds la fonction de mon pouce gauche, je risque de perdre mon gagne-pain, ma raison d’être et mon espoir.
Je passe beaucoup de temps à réfléchir à l’avenir. Ma sœur a accouché il y a quelques mois, et je suis un oncle pour la première fois. Je veux être là pour voir mon neveu grandir. Et surtout, je veux qu’il grandisse en me voyant continuer à travailler, à contribuer, à être positif et à être proactif. Je veux qu’il me regarde et qu’il voie ce dont les personnes handicapées sont capables. C’est mon objectif à court terme pour l’instant et j’espère que je pourrai obtenir l’aide dont j’ai besoin pour le réaliser. »
La communauté canadienne de l’AMS a besoin de votre appui, tant en août pour le mois de la sensibilisation à l’AMS que le reste de l’année. Merci de donner une mention J’aime à cette histoire et de la partager dans vos réseaux afin de sensibiliser le public à cette importante réalité. Pour de plus amples renseignements ou pour savoir comment défendre un meilleur accès aux traitements, rendez-vous à Cure SMA Canada.
Une initiative communautaire appuyée par Roche Canada.