L’hypertension artérielle pulmonaire, ou HTAP, est une maladie rare et progressive qui peut avoir un impact considérable sur la capacité d’une personne à travailler ou à s’occuper de sa famille. En l’absence de traitement, les personnes touchées risquent tout un éventail de complications.
Heureusement, dans les dernières années, les recherches ont permis de produire plusieurs traitements prometteurs. Mais comme on le constate souvent, l’existence d’un traitement ne signifie pas que celui-ci est accessible à tout le monde, ou même à un certain nombre de gens.
Nous nous sommes entretenus avec Tarya Morel, Rose Jardim et Angel Ouellet, trois Canadiens atteints d’HTAP, pour souligner l’aspect précaire de leur maladie et l’importance d’un accès rapide aux traitements novateurs contre les maladies rares.
Tarya Morel
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu du mal à respirer, mais je n’avais jamais pensé qu’il pouvait s’agir d’un problème médical grave. Quand je suis tombée enceinte, mes problèmes respiratoires se sont aggravés, et j’ai commencé à ressentir des vertiges et de la fatigue. Mais évidemment, puisque la grossesse s’accompagne de toutes sortes de symptômes, personne n’y a prêté attention.
Or, quand mon fils est né, aucun de mes symptômes n’a disparu. Je n’arrêtais pas de retourner voir mon médecin en lui disant : « Je ne me sens pas mieux » et « Ce n’est pas une simple fatigue de nouvelle mère ». Je n’allais pas bien.
Quand j’ai enfin reçu mon diagnostic d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) grave, mon médecin de famille m’a expliqué la maladie, mais, sous l’effet de l’adrénaline, je n’ai rien assimilé. À la fin, elle m’a regardé d’un air triste et m’a dit de rentrer chez moi et de profiter de mon temps avec mon bébé. Une fois rentrée à la maison, j’ai fait l’erreur de consulter le Dr Google. Les statistiques dressaient un tableau très sombre de l’avenir. Il semblait me rester tout au plus un bon été à passer avec mon bébé. J’étais anéantie, et tous mes rêves pour l’avenir étaient réduits à l’impossible.
C’était il y a 12 ans. J’ai connu des hauts et des bas, mais je suis toujours là. Je viens de fêter mon dixième anniversaire d’emploi, et ma carrière va super bien. Malheureusement, mon mariage n’a pas survécu à mon diagnostic et à ses répercussions, mais je suis depuis remariée à un homme merveilleux. Ensemble, nous avons créé une grande famille recomposée — la famille dont j’avais toujours rêvé. J’ai vécu une vie entière après avoir pensé en être privée.
Malgré tout, la réalité, c’est qu’il s’agit d’une maladie progressive et incurable. Ainsi, même lorsqu’on suit un traitement et qu’on est stable, on n’oublie jamais l’idée que le traitement pourrait cesser de fonctionner et qu’il faudrait alors passer à un autre traitement. Je suis passée par là. Heureusement pour moi, la science a toujours eu une longueur d’avance sur ma maladie, mais je suis à court d’options.
C’est pourquoi il est si frustrant et effrayant de constater que ma communauté n’a pas accès à certains traitements. J’appartiens à des groupes Facebook avec d’autres patients et patientes atteints d’HTAP qui vivent aux États-Unis et qui ont accès à des traitements que nous n’avons pas au Canada, et qui nous racontent à quel point ils vont bien grâce à ces traitements. Je vois des gens qui publient les résultats de leurs tests, affichant des améliorations spectaculaires de leur fonction cardiaque, et d’autres qui sont ravis d’avoir fait le ménage sans se sentir épuisés. Je vois des gens partir en randonnée, ébahis de pouvoir respirer à nouveau. Il n’y a rien que j’aimerais plus que de pouvoir faire de la randonnée avec ma famille.
Il est difficile d’accepter que l’endroit où je vis puisse déterminer la durée et la qualité de ma vie, la durée pendant laquelle je peux être productive et contribuer à la société, et le temps que je peux passer avec mon mari et nos enfants.
L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est une maladie rare et progressive qui se caractérise par une pression sanguine élevée (hypertension) dans les artères des poumons (artère pulmonaire). Les artères pulmonaires sont les vaisseaux sanguins qui transportent le sang du côté droit du cœur vers les poumons.
LE SAVIEZ-VOUS?
Rose Jardim
Quand j’avais 50 ans, je me suis coupé en me rasant les jambes. Et puis la coupure n’a pas cicatrisé. Il s’est transformé en un ulcère profond qui ne se refermait pas. Et puis j’en ai eu un autre. Et un autre.
J’ai travaillé comme coiffeuse toute ma vie, donc j’étais debout toute la journée. Mon médecin m’a dit que c’était probablement à cause de cela, et de la rétention d’eau. Il m’a donc donné des diurétiques. Cela s’est poursuivi pendant huit ans. De nouveaux ulcères apparaissaient, puis mon médecin me faisait passer quelques tests et me prescrivait des diurétiques. Les pilules me faisaient gonfler sans bon sens, et mon poids variait donc constamment. Une semaine, je ressemblais au bonhomme Michelin, et la semaine suivante, je portais une taille 10. C’est très dur pour l’esprit.
Ma nièce m’a finalement suggéré d’aller voir une massothérapeute, juste pour améliorer la circulation du sang dans mes jambes. Lorsque je suis arrivée, le massothérapeute m’a regardée et m’a dit qu’il ne pouvait rien faire pour régler ce problème. Il m’a envoyé à l’hôpital.
Je me suis évanouie dès que j’ai franchi la porte de l’urgence. Ils m’ont dit que si j’avais attendu un jour de plus, je serais probablement morte. Il y avait tellement d’accumulation d’eau que j’étais en train de me noyer. J’avais des dommages au cœur, aux poumons, aux reins et au foie. Partout. C’est ce qui se produit lorsqu’on laisse l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) se développer sans diagnostic ni traitement.
On m’a dit que si je ne restais pas debout, je perdrais mes jambes. J’ai dû arrêter de travailler, ce qui était impensable pour moi. Être coiffeuse, c’était mon gagne-pain et le centre de ma vie sociale. C’était mon identité. Je me suis complètement retirée du monde. J’ai cessé de vouloir voir qui que ce soit. J’ai passé un an à souffrir constamment. Je suis devenue une personne totalement différente. C’était une époque terrible et pleine de colère.
J’ai raté tellement de choses. Je ne faisais plus de coupes de cheveux. Je ne voyais plus mes anciens amis. Je ne rencontrais personne. Mon premier petit-enfant est né juste avant mon diagnostic, et j’ai plus ou moins manqué la première année de sa vie. Je ne pouvais même pas être une fraction de la grand-mère que j’avais voulu être.
Pour les patients atteints d’HTAP, la différence entre un traitement et un autre, c’est parfois le jour et la nuit. La manière de suivre un traitement peut également avoir d’importantes répercussions sur votre vie. J’ai dû porter un tailleur pantalon au mariage de ma fille la plus jeune parce que la robe que je voulais porter nuisait au fonctionnement de l’appareil qui administrait mes médicaments. Pour le reste, les choses vont relativement bien. Mais ce qui me pousse à aller de l’avant, c’est l’espoir qu’un jour, tôt ou tard, les choses s’amélioreront. Et puis, avec un peu de chance, le jour où ma petite-fille se mariera, je pourrai choisir une robe à porter.
L’HTAP peut avoir d’importantes conséquences sur la capacité d’une personne à trouver et à conserver un emploi. Pour les jeunes patients et jeunes patientes en début ou en milieu de carrière, l’HTAP peut également freiner l’avancement professionnel, les empêchant de toucher des salaires plus élevés.
LE SAVIEZ-VOUS?
Angel Ouellet
Un jour, quand j’avais six ans, j’ai vu mon enseignante préférée au bout du couloir de l’école et j’ai couru pour lui donner un grand câlin. Plus tard, l’enseignante a appelé ma mère et lui a dit de m’emmener à l’hôpital. Quand je l’avais serrée dans mes bras, elle avait senti mon cœur battre très vite.
Tout le reste de mon enfance, je comprenais que j’avais une maladie, mais je n’avais aucune idée de sa gravité. Je me souviens qu’à un moment donné, mon médecin m’a donné un livre sur l’HTAP pour que je puisse mieux comprendre. Je l’ai simplement rangé sur mon étagère. Puis, des années plus tard, je l’ai sorti par hasard et j’ai commencé à le feuilleter. J’ai atterri sur un chapitre concernant l’espérance de vie après le diagnostic. Après un calcul rapide, j’ai compris que j’aurais dû mourir quatre ans plus tôt.
Pendant toute mon enfance, ma mère et ma grand-mère — toute ma famille, en fait — m’ont beaucoup soutenu. Ils ont toujours essayé de me donner ce que je voulais, dans la mesure du raisonnable et de nos moyens financiers limités. Je n’avais aucune idée que les médecins leur avaient dit que je n’atteindrais probablement pas l’adolescence.
J’ai maintenant 28 ans et je suis toujours là. J’ai trouvé dans mes communautés une foule de personnes qui sont elles aussi un peu différentes. J’ai une carrière enrichissante dans la cybersécurité et une personne qui m’aime et que j’aime. L’HTAP a façonné tous les aspects de ma personnalité et je pense qu’elle a fait de moi une personne meilleure et plus empathique.
Je travaille à horaire réduit en raison de mon état de santé. Je dois également demander certaines mesures d’adaptation, ce qui me semble toujours un peu délicat dans le marché du travail actuel. Je n’ai pas les mêmes derniers recours que d’autres. Je ne peux pas travailler dans un restaurant ou dans une usine parce que mon corps ne le supporterait pas.
Tout est un peu plus difficile. Que ce soit se lever le matin, monter un escalier et le descendre ou se rendre au travail de l’autre côté du mont Royal, à Montréal. C’est pourquoi j’ai commencé à utiliser un skateboard électrique, que j’appelle mon scooter de mobilité. Et pourtant, parmi toutes les personnes atteintes d’HTAP que j’ai rencontrées, mon histoire est l’une des plus faciles. Cependant, ma réalité peut changer d’un jour à l’autre.
Je ne passe pas beaucoup de temps à m’inquiéter de l’évolution de ma maladie, mais la vérité, c’est que depuis que j’ai ouvert ce livre, j’aborde la vie comme si j’avais une date d’expiration. En ce moment, ma maladie est bien prise en charge, mais je sais à quel point les choses peuvent évoluer rapidement. C’est une situation qui fait peur, car je sais que les communautés atteintes de maladies rares sont souvent confrontées à de nombreux obstacles qui les empêchent d’accéder aux traitements novateurs. C’est cette cause-là que j’essaye de défendre. Pour mon avenir, mais aussi pour ceux et celles qui ont besoin d’accéder à des traitements dès aujourd’hui.
PHA Canada est un organisme de bienfaisance enregistré auprès du gouvernement fédéral. Il a été créé en 2008 par des patients et patientes, des soignants et soignantes et des spécialistes de la santé afin de faire front commun pour améliorer la vie des Canadiens et Canadiennes touchés par l’hypertension artérielle pulmonaire et unifier la communauté que forment ces gens à l’échelle du pays. Pour en savoir plus, cliquez ici.
Une initiative rendue possible grâce à l’appui financier de Merck Canada.